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La legende arthurienne
29/03/2006 13:58
La légende arthurienne est née quelque part en Grande- Bretagne, et non pas sur le continent; quelque part dans le sud-ouest de l'Angleterre, entre le sud du Pays de Galles et la péninsule de Cornwall. C'est la tradition populaire locale qui l'affirme. Cette tradition est d'ailleurs confirmée par les nombreux vestiges archéologiques qui sont disséminés entre Caerllion-sur-Wysg et Penzance en passant par Glastonbury. Mais, à partir de là, que d'incertitudes ! Le nom dArthur, en effet, se rencontre en de multiples endroits de cette île de Bretagne, marqué dans la toponymie ou dans l'appellation donnée à un vestige des temps anciens, particulièrement à un monument mégalithique.
C'est ainsi que, très au nord, du côté de Perth, donc en Écosse, on remarque un Creux d’Arthur et une Roche d'Arthur. Près d'Edinburgh se trouve le Siège d’Arthur, et près de Dunbarton, dans l'ancien royaume breton de Strathclyde, un lieu élevé est appelé Ben Arthur, c'est- à-dire le « Sommet d'Arthur ». Non loin de Melrose Abbey, d'après la tradition locale, on raconte que le roi Arthur dort d'un sommeil magique dans une grotte ; mais il y a d'autres récits de ce genre sur les flancs du Snowdon, dans le nord-ouest du Pays de Galles, ainsi que dans la région de Caerllion-sur-Wysg. On ajoute même qu'il est entouré de tous ses chevaliers qui attendent son réveil pour se lancer de nouveau dans leurs expéditions. On apprend aussi que les trésors d'Arthur sont cachés près de Marchlynn Mawr, dans l'ancien comté de Caernarvon, autrement dit dans le Gwynedd: celui qui les découvrirait par hasard en serait tellement ébloui qu'il risquerait d'oublier de remonter à la surface et resterait prisonnier dans la grotte. Dans l'ancien comté de Merioneth, au lac nommé Llyn Barfod (« lac barbu »), on montre encore l'endroit où Arthur a tué un monstre qui avait son repaire sous les eaux et qui menaçait le pays d'inondation. D'ailleurs, son cheval a laissé l'empreinte de son sabot sur une roche. Le Flintshire a une Colline d’Arthur, le Glamorgan, une Pierre d’Arthur, le Breconshire, une Chaire d’Arthur. Entre le Brecon et l'ancien comté de Carmarthen, dans la montagne d'Amanw, se trouve le Lit d’Arthur. Dans le Somerset, South Cadbury, ancienne forteresse celtique, est évidemment Camelot ou Kamaalot, l'une des résidences favorites d'Arthur et de ses compagnons. Mais il y a mieux dans ce même comté, à Glastonbury, se trouve la tombe du roi Arthur et de la reine Guenièvre, dans l'abbaye elle-même, non loin d'un mystérieux puits qui passe pour recéler le saint Graal.
C'est dans le Comwall que les souvenirs arthuriens sont les plus nombreux sur une surface restreinte. On sait qu'Arthur a été conçu au château de Tintagel, mais il a sillonné le pays : ainsi, il y a un Four d’Arthur entre Bodmin et Exeter, four que l'on montra vers l'an 1100 à des moines venus de Laon et qui en ont laissé le témoignage. Près de Bodmin, ce sont la Cuisine d’Arthur et le Hall d’Arthur. À Camelford, c'est à l'emplacement du Slaughter Bridge qu'il a été mortellement blessé, mais on connaît bien sa forteresse à Kelliwic, autrement dit Egloshayle, près de Padstow. Et il a caché une magnifique table d'or sous le Mont Bossiney, un tertre situé entre Tintagel et Boscastle. Sans parler de dolmens qui portent le nom d'Arthur...
A côté de cette accumulation de lieux marqués par Arthur, la Bretagne armoricaine paraît bien pauvre. On n'y relève en effet que deux endroits qui aient suscité son parrainage, tous deux situés dans la forêt de Huelgoat (Finistère), Il s'agit du Camp d’Artus qui est une forteresse de l'Âge du Fer, réutilisée à la période des Âges Sombres, toujours impressionnante par ses vastes remparts de pierre et de terre, mais peu visible car perdue au milieu des arbres, et d'une modeste grotte à laquelle en a donné le nom de Grotte d’Artus. On pourrait ajouter à ces deux sites un dolmen en ruine qui se trouve sur l'îlot d'Aval, à proximité immédiate de l'Île-Grande en Pleu- meur-Bodou (Côtes-d'Armor), et que l'on appelait autre- fois Tombeau d’Arthur. Cela paraît une localisation due au nom de l'îlot, Aval, qui signifie « pomme » en breton, et rappelle bien sûr la fabuleuse île d'Avalon où le roi Arthur est en dormition. Mais, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'appellation est passée à un dolmen en bien meilleur état qui se trouve sur l'Île-Grande. Quant à la Lieue de Grève, vaste plage de sable entre Saint-Efflam et Saint-Michel-en-Grève, elle passe, dans certaines traditions locales, pour avoir été le théâtre d'un fabuleux combat entre Arthur et un dragon, combat sans vainqueur et qui n'a pu s'achever que par l'intervention de saint Efflam. Quant au hameau de Port-Arthur en Pluméliau (Morbihan), il semble qu'il faille en rejeter tout apparentement avec la légende arthurienne. Ce hameau, situé non loin de Talvern-Nénèze (Tal-vern, « haut du marais », Nénèze, altération de en-hent-Ahès, « le chemin d'Ahès », appellation générique des voies romaines en Armorique), au passage de la grande voie qui reliait Rennes à l'Aber Vrach par Castennec (Bieuzy-les-Eaux), doit ce nom au souvenir du propriétaire d'une ferme (porh, en breton vannetais et en pleine terre, désigne une simple cour de ferme).
Sur le reste du continent, Arthur ne semble guère avoir laissé de traces, ni dans la toponymie, ni dans la mémoire populaire. C'est tout juste si l'on peut signaler, aux limites du département de la Manche et de celui de l'Orne, non loin de Lonlay-l'Abbaye et de la Lande pour rie, une petite vallée encaissée qui porte le nom de Fosse Arthour, ainsi que plus à l'est, au nord de Domfront (Orne), dans la commune de Saint-Bômer les Forges, un hameau appelé l’arthour. Il est vrai que ce territoire fait partie d'un étrange « Pays de Lancelot du Lac » que l'on redécouvre actuellement.
Mais Arthur n'est pas seul dans les récits concernant le Graal et la Table Ronde. Beaucoup d'autres personnages, comme Merlin, Tristan ou même la fée Morgane, ont imprégné de leur ombre la mémoire populaire et donné lieu à des appellations diverses. De plus, les événements relatés dans ces récits, qui sont toujours situés dans un endroit précis, se retrouvent parfois dans la toponymie, aussi bien en Bretagne armoricaine que sur toute l'étendue de l'île de Bretagne. La légende arthurienne a été très célèbre pendant tout le Moyen Age, et elle a marqué l'imaginaire européen de façon durable, surtout dans certaines régions.
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